UTMB 2003
Le 9 septembre 2003, j'écrivais ce compte rendu sur le forum des Ultrafondus. Il relate ma participation à cette première édition de l'Ultra Trail Tour du Mont-Blanc, qui deviendra ensuite l'UTMB. J'évoque dans ce texte les pseudos de certains membres des Ultrafondus avec lesquels j'ai partagé ce moment. On retrouve quelques visages sur les photos et notamment Philippe Billard le génial créateur de ce forum et de la revue du même nom. Vendredi 29 août 2003 : Bien sur j´ai étudié le profil de la course, le kilométrage, les distances, les détails du dénivelé, les cols à franchir. Bien sur j´ai calculé d´hypothétiques vitesses, d´improbables temps de passage, inventé des stratégies, étudié le matériel, enregistré des conseils. Bien sur je connais la vallée, depuis le temps que j´y viens en hiver, sur les pistes de ski du Brévent, de la Flégère et de Lognan, sur les glaciers d´Argentières et de la Vallée Blanche, admiratif devant les aiguilles, les clochetons, les séracs, les murailles de roche et de glace de ce majestueux massif. Mais en arrivant hier par un beau soleil, sur la route entre les Houches et Chamonix, découvrant à nouveau la beauté et l´impression de puissance du cadre, c´est la peur qui m´a habitée, amplifiée quelques heures plus tard par le fracas du tonnerre qui rebondissait de montagne en montagne. Ce matin, vendredi ,le soleil a laissé place à la brume, au ciel gris et l´orage gronde encore. Et si l´on aperçoit encore les aiguilles et les contours du massif, l´ensemble est sombre et menaçant. Mais la crainte laissera vite place au plaisir car je ne suis pas là pour dominer la montagne mais pour l´approcher, l´apprécier, la caresser, la contourner, la sentir, la regarder, l´écouter, humblement, espérant pouvoir profiter de ces sensations le temps qu´elle voudra bien m´accorder. Marqué par ce brusque changement de temps, la journée de veille de course est parfumée de crainte et de plaisir : et le plaisir de retrouver mes copains UFOs n´est pas des moindres. Dimanche 31 août : J´avais diminué mes ambitions sur cette course depuis quelques semaines déjà. Une préparation peu spécifique plus le souvenir des problèmes de digestion rencontrés à Chavagnes m´ont contraint à ramener mon objectif sur le 67 et éventuellement à pousser jusqu´à Champex. Pourtant le vendredi soir veille de course j´ai bien cru que je ne prendrai même pas le départ : je souffre en effet régulièrement de troubles de l´oreille interne (bourdonnements, acouphènes) et ce soir là comme cela m´arrive 5 à 6 fois par an, les vertiges ont succédé aux bourdonnements, probablement déclenchés par les bruits de la salle des sports et de la cantine lors de la pasta party. Le vertige est sévère et m´empêche de fermer l´œil, au sens propre. Heureusement le matin tout va mieux, l´angoisse de la veille au soir de ne pas pouvoir prendre le départ ne fait qu´amplifier mon envie de profiter de chaque seconde passée sur la course quelque soit mon parcours. Le départ est génial, les UFOs se regroupent jusqu´aux Houches. De là, avec Pouic-pouic et Nitram nous progressons régulièrement et tranquillement jusqu´aux Contamines. Les UFOs se croisent, se groupent, se perdent mais notre petit groupe s´éclate bien sur ces 30 premiers kilos jusqu´au début du col du Bonhomme. Avec Jean Marc, nous montons à notre rythme, Nitram peu à peu se détache, nous ne le reverrons que le lendemain après midi. Je suis bien dans la montée, à tel point que je commet une grave erreur : malgré la pluie qui arrive puis redouble, je ne sors pas mes gants et ne me protège que tardivement avec un léger poncho au lieu de sortir ma veste imperméable. Non seulement je vais me débattre avec ce poncho qui s´envole à chaque coup de vent, mais en plus je vais me glacer les mains. Passé au col puis à la Croix du Bonhomme je me retrouve incapable de refaire mon lacet défait, les doigts frigorifiés puis douloureux lorsqu´ils vont se réchauffer. Jean Marc gentiment m´attend puis repart, plus rapide que moi. Avant Les Chapieux je me refait une santé et repart réchauffé par le retour du soleil. Yoyo me rattrape alors et m´accompagne un moment en direction du refuge des Mottets. Mais déjà un autre mal me guette, plus sournois : je n´arrive plus à m´alimenter, liquides et solides me deviennent insupportables dès que je tente de les avaler. Le processus que je ne connais que trop bien se met en place : perte de force et d´énergie, puis nausées et vomissements et juste après regain temporaire de force après la crise. Et ensuite ça recommence que je tente ou pas d´avaler quelque chose, ne serait ce que quelques gouttes d´eau. Au refuge des Mottets, Yoyo repart quand j´arrive et Jean Marc s´inquiète de mon retard : je lui explique mon état et après avoir réussi à avaler quelques gouttes et un bout de barre, j´attaque en sa compagnie et celle de Jésus la montée du Col de La Seigne. (merci à eux de m´avoir aidé). Ce sera toute proportion gardée, mon Golgotha à moi, Jésus m´ayant laissé sa croix. Les 5h30 de temps qui vont me permettrent d´atteindre Courmayeur seront ponctuer par ce fameux cycle infernal. Dans les moments ou je suis sans force, chaque pas est une épreuve. La montée de l´arête Mont Favre sera pour moi interminable. Mon estomac ne garde rien. Seule l´ultime et longue descente vers Courmayeur avec quelques gouttes de coca et de thé enfin conservées me permettra de commencer à me sentir mieux. Trop tard. Pitou qui me rejoint dans la descente m´aide à terminer. Finalement la forme revient au moment ou je n´en ait plus besoin, peu importe je suis heureux d´avoir pu rejoindre Courmayeur et la fin de cet épisode douloureux me laisse penser que je pourrai faire mieux la prochaine fois, d´autant plus que musculairement tout allait bien. Le lendemain dimanche, une vingtaine d´heures plus tard, je voyais Yoyo et Nitram franchir la ligne d´arrivée et probablement comme beaucoup de ceux qui étaient là, envieux de leur exploit. Grâce à eux, c´est un peu comme si j´avais franchi la ligne. Et une chose de plus, la famille des UFOs c´est vraiment des gens bien : Marmotte, Jésus, Nitram, Yoyo, Rodio, JoelDelmas que je ne connaissais pas et Pouic-pouic et Phil et Fred183 et pitou et fdln que je connaissais déjà sans oublier Rouba. Et ceux que j´ai croisé trop vite Lionel, CoureurSolitaires, Furet, L´toro, Nico et d´autres ... Le réel ne déçoit pas le virtuel.